Lettre ouverte à nos députés et à Axelle Lemaire: coup de Gueule contre les lois absurdes sur les stages

Last modified by Ludovic Dubost on 2019/06/17 20:28

Depuis quelques années, régulièrement de nouvelles lois sont votées pour encadrer encore plus les stages en entreprise:

- stage de moins de 3 mois rémunéré à un tarif minimum et maintenant moins de deux moins
- règles indiquant qu'un stagiaire ne peut pas remplacer un salarié
- règles indiquant qu'un stagiaire doit avoir les mêmes droits qu'un salarié (Tickets Restaurant, horaires, etc..)
- pas de stage sans convention tri-partite

Il a même été évoqué un taux maximum de stagiaire en entreprise (10%).

Finalement si on veut fermer la porte des entreprises aux jeunes, c'est parfait et c'est exactement ce qu'on fait avec ce type de loi.

Je ne suis bien sûr pas contre le fait qu'on évite les abus qu'on peut voir avec certaines entreprises qui vont "vivre" de stagiaires, mais soyons réalistes: le stage est un très bon moyen pour les jeunes pour découvrir les entreprises en en particulier apprendre de ceux qui "savent".

Prenons un exemple (réel):

Une personne avec qui nous travaillons depuis plusieurs années sur un projet me parle de son neveu passionné d'informatique, lycéen en classe de 1ère. Celui-ci est intéressé de voir comment fonctionne une entreprise d'informatique car il voudrait choisir ce métier et me demande s'il est possible de faire un stage de 15 jours pendant l'été

Il est important de préciser que pour une entreprise d'informatique comme XWiki, il est impensable qu'en 15 jours qui que ce soit, puisse réellement apporter quelque chose à l'entreprise, vu le temps d'adaptation nécéssaire aux technologies utilisées.
Globalement un stage de 3 mois est déjà plutôt une "charge" pour l'entreprise hormis si nous avons affaire à un petit génie et encore. Notre stagiaire Polytechnicien Corps des Mines (les 20 premiers de polytechnique) pourra témoigner que la qualité de son code pendant les trois premiers mois demandait encore beaucoup de travail. Dans ces conditions, accueillir un stagiaire court est un acte de "formation" ou au mieux une tentative de pré-recrutement.

Et pourtant, pour finalement rendre service à un lycéen, nous avons étudié comment le faire venir en stage et la j'ai pu me confirmer l'absurdité d'un système dont l'objectif semble être de protéger l'emploi existant contre l'emploi nouveau et la formation des jeunes:

- aucun stage n'est possible sans convention tri-partite, et son lycée ne veut pas signer de convention pour un stage en dehors de l'année scolaire.
- nous avons bien trouvé la notion de "période de découverte en entreprise" (d'une semaine) mais un "organisme consulaire" (si quelqu'un sait ce que c'est) doit signer aussi la convention.
- nous avons contacté la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (organisme consulaire) qui n'a pas pu nous aider.

D'ailleurs la loi parlant de ses périodes est particulièrement succinte. J'imagine la tête de celui-ci qui a du écrire le décret d'application:

"Art. L. 332-3-1. - Des périodes d'observation en entreprise d'une durée maximale d'une semaine peuvent être proposées durant les vacances scolaires aux élèves des deux derniers niveaux de l'enseignement des collèges ou aux élèves des lycées, en vue de l'élaboration de leur projet d'orientation professionnelle. Dans l'exercice de leurs compétences, les chambres consulaires apportent leur appui à l'organisation de ces périodes."

Bien entendu il faudra aussi avoir les assurances nécéssaires aussi bien pour le stagiaire que pour l'entreprise.

Bien sûr il faut protéger nos jeunes des abus, mais la complexité proposée, renforcée année après année, porte atteinte à la liberté d'apprendre de nos jeunes.
Est-on vraiment sûr qu'obliger la convention tri-partite apporte plus de bénéfices que ses désavantages. Pourquoi interdire à un jeune de s'engager lui-même en stage ? Est-ce une enfant qui forcement se fera abuser ? Combien de stages pourtant utiles à la formation de ces jeunes n'auront pas lieu du fait de ces contraintes ?

Sur les différentes réglementation voyons les problèmes que celles-ci peuvent poser en tout cas dans notre contexte:

- stage de moins de deux moins obligatoirement rémunéré -> comme je l'ai indiqué il faut plusieurs mois d'adaptation pour un stagiaire en informatique. Ainsi seuls les étudiants de bon niveau auront leur chance, ou alors il faudra compter sur un investissement de pré-recrutement par les entreprises.
- un stagiaire ne peut pas remplacer un salarié -> autant dire qu'il doit faire quelque chose qui est soit inutile, soit pas important. Le stagiaire n'a pas de valeur en ce cas, et s'il n'en a pas pourquoi l'entreprise prend elle un stagiaire ?
- un stagiaire doit avoir les mêmes droits -> ceci est plutôt en contradiction avec la règle précédente. Le stagiaire doit avoir les mêmes droits mais ce n'est pas un salarié. D'autre part on augmente le coût du stagiaire ce qui ne va pas arranger son attractivité.
- pas de stage sans convention tri-partite -> que faire quand il n'y a personne pour la signer la convention tri-partite.
- taux maximum de stagiaire de 10% -> pourquoi pas une limite, mais il faudra s'assurer que ce n'est pas impossible à calculer et que le nombre de soit pas trop faible pour une petite entreprise. Il faudrait au minimum annualiser le chiffre, car il y a des périodes ou il va y avoir plus de stagiaires que d'autres.

Je pense qu'en final on cherche à traiter le cas d'entreprises qui abusent de stagiaire, par exemple pour des métiers ou aucune formation n'est nécéssaire pour être productif. Dans un reportage j'avais pu voir le cas d'un "stage marketing" non rémuneré ou le stagiaire faisait des sandwich toute la journée. Cependant en traitant ce cas, on ferme la porte aux stagiaires dans des métiers ou la formation et la compétence est le nerf de la guerre.

Les métiers du futur passent par le savoir et la formation: "Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson". J'ai envie de dire:

"Quand un étudiant à besoin d'un travail, mieux vaut lui apprendre à travailler que lui donner un salaire"

Une fois qu'il saura travailler, qu'il apprendra d'autres personnes à fortes compétences, il n'aura plus besoin de stages, il pourra même créer sa propre entreprise.

Il est sûrement possible de trouver d'autres moyens d'éviter les abus que de rendre les stages impossibles ou une charges importante pour l'entreprise.

Par exemple accepter les conventions bi-partites pour des stages de moins de deux mois pourrait ouvrir la porte à des périodes d'observation plus faciles à organiser. Pourquoi pas aussi ouvrir plus largement les stages, y compris non-rémunérés pour les entreprises de hautes technologies ou 1 mois de stage vaudra 6 mois d'école (par exemple en autorisant cela pour les entreprises membres de pôles de compétitivités).

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Ludovic Dubost

Président de XWiki SAS