Depuis 3 week-ends maintenant, Paris est mis à sac. Le mouvement des gilets jaunes sert de paravent à des casseurs et pilleurs ainsi qu'à des extrémistes qui tentent de fracturer la société française. On ne peut évidement pas cautionner ces actions violentes. Je compatis avec les propriétaires et employés de boutiques qui doivent maintenant passer leurs dimanches à réparer.
Les gilets jaunes ont une part de responsabilité en lançant des manifestations non cadrés et non organisées, mais les gilets jaunes eux-mêmes ou en tout cas la grande majorité ne sont pas violents et ont des problèmes et revendications légitimes.
Mais surtout, malheureusement, Macron et le gouvernement ont la totale responsabilité de la situation du fait de la politique et d'une méthode qui a renforcée la fracture déjà existante dans la société.
Je suis chef d'entreprise et je fais partie des français qui "profitent" de la politique économique et fiscale de Macron, mais je ne l'approuve pas.
Il y a deux ans, lorsque j'ai soutenu la campagne d'Emmanuel Macron, je soutenais le "en même temps" qui agirait aussi bien pour l'économie mais aussi pour le social. Je soutenais surtout une intelligence d'analyse et d'action capable de comprendre la complexité d'une société en changement et capable de prendre en compte l'aspect social.
Visiblement je me suis trompé et le gouvernement n'a pas été capable de prendre en compte cette complexité et la difficulté des plus démunis dans notre société, ni engager un dialogue au jour le jour afin de convaincre que les mesures sont bonnes et ne pas les mettre en place s'il n'est pas capable de convaincre.
Je viens d'entendre Benjamin Griveaux sur BFM TV dire que "la réponse est dans le temps long". Peut-être est-ce vrai, mais entre temps les changements fiscaux pour les plus aisés n'ont pas été fait dans le temps long, mais bien dans le temps court. Lors de multiples débats on entend la République en Marche dire que le parlement a été élu pour cette politique, en oubliant que 4 candidats ont fait 20-25% et qu'aucun n'a donc la légitimité pour un quelconque programme. La seule légitimité d'un président et d'un gouvernement dans cette situation est d'écouter et de travailler afin de mettre en place les actions que la majorité soutient. Si le gouvernement veut prétendre avoir la légitimité totale pour son programme, qu'il vienne le proposer sous forme de référendum, et dans le cas contraire, qu'il soit bien plus prudent et regarde chaque mesure en tant que tel et l'ensemble des mesures pour leur équilibre.
En soutenant Macron, je soutenais l'arrivée de la société civile au parlement, ainsi que de la proportionnelle. Qu'en est-il aujourd'hui ? La proportionnelle n'est toujours pas en place et la société civile au parlement ou au gouvernement, si elle est présente, n'est pas représentative de la population française. Ou sont les représentants des plus démunis et des ouvriers. Ou sont les différents métiers (agriculteur ou autres) présentés par la république en marche aux élections ?
En soutenant Macron, je soutenais une vision pragmatique pour l'économie et les entreprises, pas une vision de "moins d'impôts et de cadeaux aux riches". Les problèmes du gouvernement et de Macron sont autant dans les actes que dans la méthode. On ne peut pas demander aux Français les plus démunis des efforts et en-même temps améliorer la situation des plus riches. Macron veut gérer la France comme une entreprise, mais justement dans une entreprise l'humain est clé. Quel patron de PME coupe le salaire de ses employés ou licencie et en même temps se paye des dividendes, augmente les cadres dirigeants et peut croire que cela va fonctionner ? Clairement Macron n'a pas su équilibrer ses actions pour l'économie et celles pour le social. Si les bénéfices de la politique sont à long terme pour les plus démunis, alors les mesures économiques ayant pour effet de rendre de l'argent aux plus aisés auraient dû être mis en oeuvre de façon progressive, et surtout s'assurer que ces mesures auront immédiatement de l'effet positif global. Pourquoi rendre l'ISF d'un coup en "espérant" qu'il sera re-investis et non donner plus d'exonérations d'ISF en cas d'investissement ?
Même du côté de la technologie, la vision de la "startup nation" commence à me hérisser le poil. En mettant en avant surtout l'aspect économique de la technologie. J'ose espérer que les startups qui réussissent sauront renvoyer l'ascenseur ou rester françaises, ce dont je doute fortement. Notre position actuelle au niveau de la tech ne laisse pas beaucoup d'espoir de voir des startups se faire racheter en France et nous allons à mon sens assister à nombre de rachats par les leaders américains renforçant les GAFAMs. J'ai beaucoup de mal à voir une solution qui ne soit pas Européenne et fortement basé sur le logiciel libre et open-source. Si Mounir Mahjoubi a de nouveau apporté son soutien au libre au Paris Open Source Summit 2018, et si effectivement l'état agit dans ce domaine, je ne vois pas autant de soutien pour la filière économique du logiciel libre que pour la "startup nation" et la "french tech" ni suffisamment d'actions au niveau européen.
En quelques semaines, l'effet des mesures pro-entreprises pour les aider à se développer risquent d'être quasi-effacées. Qui va payer si le budget de l'état prend une claque ?
Il va être maintenant difficile de sortir de cette situation et de voir Emmanuel Macron de nouveau être audible. Espérons qu'il va tirer un peu plus de leçons de cette situation au delà de traiter les "gaulois" de "réfractaires". La France n'est pas encore tombé dans l'extrémisme ou dans le populisme, mais que ce passera-t-il aux prochaines élections ?
Si une part de proportionnelle avait été mise en place dés le début du quinquennat avec une stabilité politique, Macron aura-t-il le courage de la mettre en place maintenant alors que cela amènerait sûrement la fin de son gouvernement voire une instabilité politique ?
Espérons que la prise de parole de Macron va enfin venir et que la méthode va changer et surtout les actes et qu'un équilibre va être rapidement retrouvé entre mesures économiques et mesures sociales. Il peut encore montrer qu'il a pris la mesure de son erreur d'analyse et reconnaitre qu'il a oublié ce qu'il disait lors de sa campagne, qu'il écouterait les français et leur donnerait une place dans le système de décision. Cela passe par un parlement représentatif ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.