De temps en temps j'entend que le logiciel libre et l'open-source ont gagné.
S'il est vrai que l'Open-Source s'est fortement développé ces dernières années, c'est malheureusement l'arbre qui cache la forêt.
De nombreuses grande entreprises et aussi des startups utilisent et parfois partagent du code libre. Google a partagé Android, tandis qu'on voit Facebook et d'autres lancer des moteurs open-source de machine learning, tandis qu'IBM a participé à linux avec d'autres entreprises comme RedHat.
On voit que quasiment tous les services cloud sont maintenant construits sûr et avec des modules Open-Source.
Alors l'Open-Source a gagné ??? Pas si vite..
Un trend se dégage et l'on voit que si les couches basses sont libres, c'est beaucoup moins le cas des applications finales. Aujourd'hui des services comme Slack investissent des millions pour créer des services clouds sûr et avec de l'Open-Source mais surtout sans contribuer le code de leur service phare et en ne contribuant qu'à la marge par rappport à leur moyens. Quand les contributions sont plus importantes comme chez Google, cela reste faible d'un côté et surtout leur permet de pousser les systèmes publicitaires peu recommandables dans leur package gratuit tout en décourageant la création de forks (voir la décision européenne récente contre les pratiques anti-concurrentielles de Google avec Android).
Quel est l'état réel du libre, et surtout de sa vision "politique" tendance FSFE, April ou Framasoft. Justement PYG de Framasoft a fait une présentation très intéressante (disponible en vidéo) aux RMLL 2018 de Strasbourg lors de laquelle un constat similaire est fait. PYG indique
"ne sous-estimons pas la force des ennemis de notre modèle". Je ne pense pas que la volonté intrinsèque de tous les acteurs soit de combattre le modèle "libre", cependant les forces économiques et la vision "croissance, bénéfices, rentabilité", "startup nation" et "logiciel gratuit + publicité" n'augure rien de bon pour les modèles de partage en favorisant un modèle individualiste basé sur la propriété intellectuelle et la mise en dépendance des consommateurs ou clients envers des services cloud sont on ne contrôle rien. L'approche "startup-nation" accompagn ce mouvement, en "offrant" nos startups aux leaders américains qui se feront un plaisir de les racheter dés que les investisseurs voudront prendre leurs bénéfices. Notre pays, avec cette stratégie, sera au mieux un bassin d'emploi au service de la domination des GAFAMs, au pire dépouillé de ses talents au profit de modèles peu progressistes.
Il y a bien des aspects positifs, avec les services publics qui ont vu l'interêt de mutualiser les technologies par le logiciel libre, cependant la participation aux projets libres n'est pas toujours au rendez-vous (malgré le rapport Ayrault) et il n'est pas simple de faire emerger une industrie avec une financement uniquement basé sur le service. La société de "contribution" présenté par Framasoft a besoin de plus de soutien.
PYG indique dans sa présentation que collectivement les promoteurs du libre ont "merdé quelque part". Je suis d'accord sur ce point et en particulier je pense que les gué-guerres de chapelle "libre" / "open-source", "éditeurs" / "SSLL", ou licence XYZ ou ZYX n'aident pas dans un challenge difficile face à des acteurs ayant des moyens très importants. Il faut plus d'alliances (et ce mondialement) entre les acteurs plus ou moins engagés. Il est difficile de faire du libre. Chacun a ses propres problèmes à régler et ses factures à payer.
PYG parle d'un manque de messages positifs et d'un message "anxiogène". C'est vrai qu'une partie de la vision du libre est de présenter comment les autres solutions vont mal tourner et mettre en exergue les problèmes posés par les GAFAMs. Les solutions proposées sont complexes et demandent beaucoup d'efforts. Les acteurs qui veulent proposer des solutions ont un chemin de croix difficile devant eux.
Bien entendu, cet article lui-même présente une vision peu positive de la situation. C'est pourquoi je veux non seulement contribuer au débat en proposant des solutions mais aussi en montrant une vision positive.
Des retours d'experiences positifs
Oui, le libre a progressé et nous avons une masse de code sur lequel construire.
Oui, les services publics choisissent le libre et les entreprises libres pour faire leurs projets.
Oui, il est possible d'être une entreprise du libre ou un ingénieur travaillant pour ou autour du libre et de gagner très correctement sa vie. XWiki SAS en emploi depuis 14 ans et notre entreprise produit du logiciel libre la majorité de son temps et quand nous faisons des projets ou du support pour les clients nous permettons de financer le développement libre.
Oui, nous avons des soutiens, et régulièrement nous avons de l'aide et de la compréhension pour notre modèle.
Nous avons aussi démarré un crowd-funding pour CryptPad et petit à petit nous construisons un revenu pour pouvoir maintenir et développer le projet avec un autre financement que celui de projets de recherche.
En conclusion, si le libre n'a pas gagné, nous, acteurs du libre avons gagné notre droit de choisir notre modèle et notre voie. Ne culpabilisons pas ceux qui nous aident d'une façon ou d'une autre sous prétexte qu'ils ne sont pas "purs". Encourageons ceux qui le veulent bien et le peuvent à nous rejoindre et à en faire un peu plus. Donnons leur les clés pour cela. Et surtout célébrons chaque succès "like it was 1999".
Apportons aussi des arguments a nos pouvoirs publics afin que même s'ils veulent soutenir l'approche startup, ils soutiennent aussi les acteurs du libres. Je comprends que PYG et Framasoft choisissent de ne pas consacrer leur effort vers le politique car c'est forcément épuisant. Il y a aussi d'autres organisations comme l'April ou la Quadrature qui sont très actifs dans ce domaine et c'est important.
J'en profite pour féliciter Framasoft pour le financement du projet PeerTube et faire un peu de publicité pour nos projets XWiki et CryptPad. Soutenez le projet CryptPad sur OpenCollective !